Le Roi veilla à se qu'il passe une jeunesse dans l'opulence car il
craignait qu'il ne renonce au trône pour devenir religieux, ainsi que
l'avait prédit le devin. Le jeune prince apprendra les lettres, les
sciences, les langues, sera initié à la philosophie hindoue par un
brahmane. Un officier lui apprendra à monter à cheval, à tirer à l'arc,
à combattre avec la lance, le sabre et l'épée. Les soirées seront
consacrées à la musique et, parfois, à la danse.
Siddhârta tombera amoureux et épousera Yashodara à l'âge de vingt ans,
sa cousine germaine et fille d'un seigneur du voisinage. Les nouveaux
époux emménageront dans trois petits palais : un de bois de cèdre pour
l'hiver, un de marbre pour l'été et un de briques pour la saison des
pluies. Ils donneront naissance à un garçon, dix ans plus tard, qui
sera nommé Rahula. Toutes les traditions concordent sur le fait qu'il
est contemporain des deux rois du Magadha, Bimbisara et son fils.
Siddhârta, qui cependant s'ennuyait, voulu sortir du palais, désireux
de découvrir son pays que décrivaient certaines chanteuses venu de
loin. Alors le roi chargea ses serviteurs d'escorter le char du prince
et d'organiser une fête et un cortège pour que tout se passe bien.
Tout le monde était joyeux, mais parmi les acclamations de la foule,
il vit un vieillard à la tête blanche, au dos voûté, qui, appuyé sur
un bâton, marchait avec peine. Intrigué il demanda à son fidèle
serviteur: "Qui est cet homme ? - Cet homme, seigneur, est accablé par
la vieillesse, ses organes sont affaiblis, il est privé de force et
d'énergie, incapable d'agir il lui reste très peu de vitalité. -
Échapperai-je moi-même à ce sort ? - Hélas non seigneur, c'est une
condition qui arrive à tous les hommes qui ont trop vécu." Alors il
fit faire demi-tour à l'attelage et revint au palais. Comme il était
soumis à la loi de la vieillesse, il devint triste et n'éprouva plus
aucun plaisir.
Plus tard, il sortit de nouveau pour se promener, il ordonna à son
cocher d'atteler son char. Dans la ville, il vit par hasard un malade
dont le corps était maigre et faible, qui, appuyé contre une porte,
respirait avec peine. Il demanda à son cocher : "Qu'arrive t-il à cet
homme ? - C'est un malade. - Qu'appelle-t-on un malade ? - Il a perdu
la santé, sa vitalité est diminuée par les impuretés qui se trouvent
en lui, il souffrira tant que son corps n'arrivera pas à guérir."
Lorsqu'il revint au palais, il était triste et pensif, il finit par ce
dire : "La santé est donc comme le jeu d'un rêve. Quel homme
clairvoyant ayant vu pareille condition pourrait avoir l'idée de la
joie et du plaisir ?"
Il restait méditatif sur ce qu'il avait vu, ne pouvant plus se laisser
divertir par les jeux et la douce musique des courtisanes. Il décida
de sortir à nouveau pour en savoir plus sur l'existence de son peuple.
Il finit par voir un mort qui, porté par des hommes, était suivi par
ses parents affligés et gémissants. Il demanda à son serviteur : "Que
ce passe t-il ? - Ils pleurent l'un des leurs qui est mort, son
souffle a cessé, son esprit s'en est allé, il a abandonné son corps. -
Est-ce là une condition spéciale à sa famille ou bien est-elle commune
à toute l'humanité ? - Ce n'est pas une loi spéciale à une famille ou
à un individu, mais chez tous les êtres vivants. Ils finiront par
mourir de vieillesse ou de maladie, il n'y a pas d'autre voie pour les
êtres."
Ils suivirent la procession jusqu'au fleuve, où le mort fut incinéré
sur un bûcher. Une fois le corps en cendre, la famille finit la
cérémonie en éparpillant les cendres dans l'eau. Siddhârta éprouvait
de la compassion pour leur souffrance, près de là il remarqua un moine
errant qui récitait des prières pour le défunt, ses cheveux étaient
rasés, il portait des vêtements monastiques et tenait un bol à la main.
Il questionna son serviteur: "Qui est cet homme ? - C'est un religieux
errant. - Qu'appelle-t-on un religieux errant ? - Il s'est bien dompté
lui-même, il a des manières dignes, il se conduit toujours avec
patience et compassion envers les êtres. Il a quitté sa maison pour
chercher en solitaire l'Illumination." Quand il eu entendu cela, le
prince s'écria trois fois "très bien !". Ayant réfléchi à cela, il
devint joyeux.
Au palais, le roi interrogea son serviteur comme à chacune des sorties
de son fils, mais cette fois la réponse changea : "Le prince a vu une
personne morte et s'est senti très triste, mais ensuite il rencontra
un moine errant et il est redevenu content." Le roi compris avec
stupeur que son fils risquait de suivre l'exemple de ceux qui mènent
une vie religieuse à cause des choses qu'il avait vu. Il ordonna donc
à sa garde de ne plus laisser le prince sortir, même par la force il
devait rester au palais.
Le prince comprend alors que, si sa condition le met à l'abri du
besoin, rien ne le protègera jamais de la vieillesse, de la maladie et
de la mort. Comme il lui était interdit de sortir, il méditait ainsi
sur la vie : "Les trois mondes (le monde des humains, des ancêtres et
des divinités) sont brûlés par les douleurs de la vieillesse et de la
maladie ; ce monde sans guide est consumé par le feu de la mort.
Pareils à des abeilles entrées dans un bocal, les êtres s'agitent et
ne trouvent pas la voie de la délivrance de la mort. Instables sont
les trois mondes, comme un nuage d'automne. Pareilles aux scènes d'un
drame sont la naissance et la mort des êtres.
Comme le torrent de la montagne, passe la vie courte et rapide des
êtres. Sur la terre et dans le monde des divinités, les êtres sont
dans la voie des trois conditions mauvaises (la maladie, la vieillesse
et la mort) et au pouvoir de I'existence, du désir et de l'ignorance.
Par cinq voies (les 5 sens) les ignorants roulent comme tourne la roue
du potier. Par des formes agréables, par des sons mélodieux, par des
odeurs et des goûts agréables, par de doux contacts, le monde est
enveloppé dans les filets du temps, comme un singe lié dans le filet
du chasseur.
Après une grande fête, tout le monde se trouva endormi au palais.
Siddhârta n'ayant pas pris part au divertissement de la cour se trouva
éveillé cette nuit, marchant à travers les salles de réception, il
regardait les uns dormant, les autres inconscients, étalant leur
nudité dans un abandon sans grâce. Il lui sembla contempler un
cimetière de cadavres et fut saisi d'horreur en songeant à
l'inconscience des gens, il pensa en voyant ce spectacle presque
irréel : "Le monde vit dans un rêve. Maintenant ou jamais, il faut que
je parte pour le grand départ."
Il réveilla son fidèle serviteur Chandaka et lui demande de préparer
sans bruit son cheval. Tandis qu'il part exécuter son ordre, le prince
pensa à son fils nouveau-né, il se rendit dans l'appartement de sa
femme, la jeune mère dormait étendu sur son lit, une main posée sur la
tête de son enfant. "Si je veux voir mon fils, pensa Siddhârta, il me
faudra écarter la main de la princesse, elle se réveillera et ce sera
un empêchement à mon départ. Quand je serai devenu un Bouddha, je
reviendrai et je verrai mon fils."
Devant les portes du palais, son serviteur l'attendait avec le cheval.
Ils partirent dans la nuit à travers la ville déserte. Après plusieurs
heures de course, ils arrivèrent au bord d'une rivière, là, il mit
pied à terre, enleva ses bijoux, les remit avec le cheval à son
serviteur, lui ordonnant de retourner chez et de saluer son père, sa
femme et sa belle-mère et de leur dire qu'il les quittait pour étudier
la voie du salut. Ensuite, il se coupa les cheveux en signe de
renoncement à son ancien mode de vie, en parcourant son chemin vers la
forêt, il rencontra un mendiant et lui donna ses riches vêtements
contre ses haillons. Ainsi commença la vie religieuse de Siddhârta
GAUTAMA à 29 ans, dans la méditation solitaire de la forêt.
Le moine mendiant >
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